Le pays de Greg de Martin
Le temps de franchir le Danube
est me voici en Slovaquie, sans frontière apparente. Première découverte, la
monnaie slovaque est l’ euro. Je me re-retrouve seul pour trois éprouvantes étapes
de 105, 98 et 95 km.
Au début plutôt plat, le relief
commence à s’accentuer sérieusement au centre du pays, dans la région de Banská
Bystrica. J’ai fait étape à Banska Stianivca, dans un camping très rustique,
situé à 600m d’altitude. Quelques slovaques peu loquaces y campent. Cette ville
semble figée dans le temps puisque son centre historique est totalement préservé.
La cité est aussi connue pour son ancienne intense activité minière.
Je me suis ensuite dirigé vers Martin, dans la région de Zilina, située dans
une vallée, entourée de montagnes dont certaines culminent à plus de 1600m. Mon
arrivée était annoncée puisque Johan, mon responsable logement, connaît un expatrié
vivant à Martin : Gregory.
Gregory le footballeur dirige l’entreprise
familiale fondée par son père produisant des cartes (postales, de voeux
etc.). Francesca Creation s’est spécialisée dans le genre religieux afin
de se démarquer de la concurrence et la maison s’est délocalisée en Slovaquie
il y a 11 ans. Son père présent sur place, m’a donc fait visiter l’usine puis
nous avons tous mangé et trinqué un roboratif repas slovaque à la bien nommée
pension Marco Polo. Cette pension est d’ailleurs tenue par un ami de Gregory,
un ancien joueur de football de haut niveau ayant notamment joue la ligue des
Champions avec le Spartak de Moscou.
Martin et Zilina sont situées aux
carrefours nord-sud et est-ouest du pays et presque toutes les routes partant
de Bratislava - située à l’extrémité Ouest du croissant slovaque - passent dans
la région. La vallée est également un important pole économique. Pas étonnant
donc d’entendre Gregory évoquer le chiffre de 40000 véhicules par jour en
transit et de m’avertir sur les 30 km de nationale reliant Martin à
Zilina.
Pour continuer vers le nord toujours au centre, je dois passer aux environs de
Zilina et ma carte, de bonne qualité, m’indique une petite route longeant cette
nationale. Je pars donc l’esprit tranquille. Cette route existe bel et bien,
mais après 7 ou 8 km, une barrière la coupe, puis elle se transforme en un
chemin s’enfonçant dans les montagnes...
Demi-tour, je n’ai finalement pas
d’autre choix que de circuler sur cette nationale. La sortie de l’agglomération
de Martin est relativement sure. Le bitume déborde des lignes blanches,
improvisant une piste cyclable de bonne largeur. De plus c’est en descente et
la chaussée est une 2 voies. La suite devient beaucoup plus problématique.
La 2 voies se transforme en une 1
voie et ma piste cyclable disparaît. Pire, un rebord central fait son
apparition rendant impossible tout dépassement. De plus ça monte et ma vitesse
tombe. À ma droite, je flirte avec le rail de sécurité et ma gauche, les véhicules
me doublent en me frôlant à plus de 90 km/h - les camions produisant à chaque
fois un souffle déséquilibrant. C’est un enfer, jamais je me suis senti aussi vulnérable
... Je suis crispé sur mon guidon pédalant de toutes mes forces pour sortir de
ce pétrin. Comment peut on construire une routes aussi accidentogene ?
Visiblement les concepteurs n’ont jamais réalisé qu’un cycliste providentiel
pouvait atterrir sur ce coupe gorge. Incompétence ou inconscience ?
Exaspéré et effrayé par ces
bolides rugissants, je décide d’imposer la cadence. Je me place alors au milieu
de la route le temps de finir cette cote, soit environ 10 minutes. Impossible de
me dépasser avec le dispositif central, technique de survie en milieu
hostile ...
Puis, dans un grand soulagement,
la route s’élargit et ce maudit rebord disparaît. Ouf ... Les véhicules me
doublent alors, me gratifiant de noms d’oiseaux. Aux plus vociférants, je réponds
par un beau majeur tendu.
Quelques minutes plus tard, déboulent en face une voiture de police, les
pompiers et une ambulance comme pour confirmer la dangerosité de cette route.
Apres Zilina et une bonne heure
de récupération, je suis allé me réfugier vers des routes plus tranquilles mais
plus pentues, traversant de petites localités jusqu à mon passage en Slovaquie
sur la route de Makov. Une belle débauche d’énergie et de tension nerveuse au
final cette Slovaquie mais rien ne vaut les paysages montagneux ...